Mon enfant, je vais te laisser avoir mal.
C’est vraiment difficile pour moi d’accepter que je doive te laisser avoir mal parfois. Que je doive accepter de ne pouvoir tout prévenir, pour t’éviter de souffrir. Je t’aime tellement, que je voudrais que tu ne souffres jamais.
Et mon stress à moi, pourrait te causer des soucis. En voulant trop, je pourrais t’empêcher de te faire confiance.
Mes peurs m’appartiennent à moi. Je ne dois pas les transposer sur toi.
Ça te ferait croire que je n’ai pas confiance en toi.
Alors comment pourras-tu te faire confiance un jour si moi, toute ta vie, je te démontrais le contraire? Que je te démontrais que je pense que tu n’y arriveras jamais seul, en voulant tout faire pour toi. Si je te transposais mon stress, tu finirais par croire que tout est un danger aussi.
Ce n’est pas ce que je veux. En fait, la vérité c’est que moi j’ai mal quand tu souffres. Moi j’ai mal quand tu pleures. Moi j’ai mal quand je vis de l’impuissance face aux difficultés que tu rencontres. Parfois, je pense avoir plus mal que toi.
J’ai mal et je dois vivre avec.
Je comprends que je n’ai pas le contrôle sur les jambettes que la vie te fait et te fera dans le futur. C’est ça qui est le plus dur à accepter. Parce que je voudrais que tu n’aies jamais de peine, jamais de mal, je voudrais tout prendre à ta place.
Mais je ne peux pas.
Je ne peux pas être le goaler de ta vie.
Je n’ai pas de pouvoir sur tes diagnostics. Sur tes difficultés d’apprentissage. Tes échecs. Je n’ai pas de pouvoir sur ton autre parent. Je n’ai pas de pouvoir sur comment tes paires te traiteront. Je n’ai pas de pouvoir sur tes chutes à vélo. Je n’ai pas de pouvoir sur les instances qui prendront des décisions pour toi. Je n’ai pas de pouvoir sur tes peines d’amour. Je n’ai pas de pouvoir sur tes genoux écorchés et tes difficultés.
Je n’ai pas de pouvoir sur la force du vent qui souffle sur toi et qui te fait plier de temps en temps.
Je n’ai pas de contrôle sur tes émotions.
Tes peurs.
Tes déceptions.
Je ne peux pas faire un blanchissage toute ta vie. De toutes tes parties.
Mais j’ai du pouvoir sur ma façon de te rendre assez autonome pour que tu affrontes seul le vent qui souffle trop fort et les jambettes.
Je peux être le coach de ta game. Derrière le banc. Parfois, j’aurai beau gueuler, que tu tomberas. Parfois, je te dirai de faire une passe et tu feras à ta tête. C’est correct aussi.
J’ai du pouvoir sur mon rôle de parent. J’ai du pouvoir sur comment je t’aime et te le montre. Sur le temps que j’investirai dans notre relation. J’ai du pouvoir sur le travail que je fais sur moi. J’ai du pouvoir sur les outils que je peux te donner pour affronter le vent, qui souffle souvent très fort sur toi.
J’ai du contrôle sur moi. Ça ne veut pas dire que je vais arrêter de m’inquiéter pour toi. C’est ça être parent. Mais j’ai le pouvoir de choisir quels impacts auront mes craintes sur toi.
J’ai du pouvoir sur moi. Sur mes bébittes à moi qui ne t’appartiennent pas.
J’ai le pouvoir de t’enseigner à surfer la vague, plutôt que de couler. Parce que les vagues, je ne pourrai jamais te les éviter. Et surfer, ça implique parfois d’avaler des gorgées d’eau salée.
J’haïs vraiment ça quand ça t’arrive, mais je vais te laisser les recracher. Seul. Avec moi pas trop loin.
Comme un spécialiste de la réadaptation physique qui se place derrière son patient, lorsque vient le moment d’essayer de remarcher une première fois, seul. Parce que si je te tenais sous les bras, à tes côtés, ce serait uniquement parce moi je craindrais que tu ne tombes. Et si je me plaçais devant, je t'empêcherais d'avancer à ton rythme à toi. Même si des fois je trouve que tu vas trop vite pour moi. Alors je serai derrière toi, pour t'encourager à affronter les bourrasques.
Pour t'encourager à avancer, sans te prendre sur mon dos, mais en te faisant sentir soutenu dans tes tempêtes solo.
Alors je vais t’outiller et me tenir parfois derrière et d'autres fois devant toi. Je serai toujours là, pas trop loin. Je ne te laisserai pas tomber, tout en te permettant de tomber.
Parce que j’ai le pouvoir de t’aider à te développer dans les difficultés et les émotions tough. Parce que j’ai le pouvoir que le coach que je suis dans ta vie, t’aidera à développer ton petit coach intérieur à toi.
Ton petit coach, qui habitera quelque part dans ton ventre, ton cœur et ta tête. Celui sur qui tu pourras compter pour faire des bons choix. Celui qui te permettra de trouver des solutions seul. Celui qui te permettra de te tenir debout, en confiance. Celui qui te donnera le goût d’essayer. Celui qui t’apprendra à être fort et à dealer avec les gens qui te font sentir pas bien. Et crois-moi, dans ta vie tu en rencontreras de ces gens, ceux qui te feront sentir « ark» par en dedans. Alors il faut commencer maintenant.
La vie est remplie de belles choses, ça t’es déjà bon pour ça. La vie est aussi remplie de choses poches. Et c’est correct comme ça. Je veux que tu en vives des affaires poches. Dès maintenant, parce que c’est comme ça que tu apprendras à les affronter. C’est comme ça que tu apprendras à grandir solide comme un roseau. Comme dans la fable de Lafontaine. Un roseau, ça danse dans le vent. Parfois ça se couche dans la tempête, mais ça se relève. Ça s’adapte. Un peu comme un « Air dancer ».
C’est une image que je veux que tu gardes en toi. Être un « Air dancer ». Valser dans les intempéries de ta vie. Parfois avoir l’air moche et piteux. À moitié dessoufflé. C’est correct de se sentir comme ça des fois. C’est correct de vivre de la peine. De vivre de l’anxiété. De vivre de l’impuissance. Tout le monde en vit.
C’est aussi ce qui te permet de puiser dans tes ressources internes pour apprendre à gérer. Comme dans la vidéo « Unconditional » de Arcade Fire. Une chanson que j’aimerais que tu mettes sur ta liste, pour les jours difficiles. Cette chanson qui est celle dont j’aimerais que tu te souviennes quand tu seras grand, en pensant à moi.
Ma job à moi ce n’est pas de t’empêcher de vivre de la peine, de l’anxiété, de l’impuissance. Ma job à moi c’est de te montrer comment dealer avec.
Ça va être correct. Tu vas être correct.
Alors je vais te laisser avoir mal parfois. Ça va me faire mal à chaque fois.
C'est correct. Je vais être correcte.
Parce que mon rôle c’est de t’aider à devenir grand.
De t'aider à affronter la vie, comme un « Air dancer ».
Ah oui, et tout ça c’est parce que je t’aime inconditionnellement, comme dans la toune que je te laisse écouter si tu cliques juste ici.