L'éditorial de la rentrée 2022

L'éditorial de la rentrée 2022

NOTRE ÉDITORIAL DE LA RENTRÉE 2022

 

* Avertissement, contenu confrontant

** Avertissement 2 : Nous ne jugeons aucunement les personnes fans de lin, de tempeh et d’emballages à sandwichs en cire d’abeilles.

 

Ah la rentrée! La rentrée avec ses centaines de photos des premières journées tirées à huit épingles. La rentrée avec la multiplicité d’images parfaites, de familles parfaites aux enfants parfaits, au décor de fin d’été parfait et te donnant le goût d’aller t’acheter une robe de lin bio et de courir dans une magnifique allée bordée d’arbres avec, te tenant par la main sagement, ton enfant arborant le même sourire que la pub du dentiste que t’as oublié d’appeler.

 

Des images de cuisines campagnardes parfaitement blanches, dans lesquelles on prépare des lunchs et des collations faits maison, avec graines de lin, lait d’avoine et cassis. Des lunchs emballés dans de la cire d’abeilles et des contenants en résine de maïs compostables.

 

Des images de familles dans leur bordel parfaitement rangé pinterestable, joyeuses de faire les devoirs, sous fond de parents préparant du tempeh pour souper, les yeux pas cernés.

 

Et toi tu regardes ça et tu stresses. Tu te dis que tu as bien dû oublier de lire le chapitre sur « Une rentrée instagrammable » dans le Mieux-Vivre 2012. Tu stresses et tu te compares.

 

Tu te compares et tu compares ton enfant. Tu compares ton enfant avec Paul-Philémon, 5 ans, qui sait déjà faire des divisions avec des nombres décimaux et qui s’adonne à la harpe en guise de passe-temps. Ton enfant à toi met encore son chandail et ses souliers à l’envers en chialant. Et la seule sculpture qu’il ait fait cet été, c’est un pénis en plastine qu’il est allé montrer aux nouveaux voisins, ben crampé.

 

Et tu compares. Tu te compares. Tu vous compares.

 

Tu stresses. Tu stresses et tu remets tout en question. Ta maison sur le bordel. Ta manière de faire des lunchs. L’habillement de tes enfants et le tien. La routine pas encore vraiment en place. L’étiquetage des 482 crayons et de leurs bouchons pas terminés, parce qu’il ne te restait plus assez de vin pour trouver la motivation de le finir. Les résultats. La performance. Et pas que la performance liée aux notes et au type d’école ou de programme dans lequel évolue ton enfant-à-l’envers. Non non, tu t’en fais aussi pour la performance de ton indice du bonheur, qui quand tu le compares, ne ferait pas trembler grand-chose sur l’échelle de Richter.

 

Alors l’impatience te prend. T’essaies de tout faire en même temps. Tout semble encore plus croche. Tout le monde te gosse. TOUT TE GOSSE.

 

L’image parfaite que tu t’es fait construire virtuellement de ce que devrait avoir l’air une belle rentrée est loin de ta réalité. Loin comme te rendre au Timor Oriental à pied, en gougounes cheaps.

 

Alors tu vas prendre 5 minutes pour te déposer et tu vas comprendre une chose. Ou deux.

 

Tu vas comprendre que tout ce que tu vois sur les réseaux sociaux provient généralement de banques d’images libres de droits achetées spécifiquement pour te vendre quelque chose. Tu vas comprendre que les influenceurs de la famille ne se font JAMAIS prendre en photo sur le vif, dans leur vraie réalité. Que tout est stagé, décoré, coiffé, stylisé par des professionnels. DANS UN ENVIRONNEMENT CONTRÔLÉ.

 

Un environnement contrôlé. C’est ce que tu essaies de te créer en t’énarvant dans ta planification de la rentrée. Dans les reproches que tu vas faire à tes proches. Parce que contrôler ton environnement te donne l’illusion de te rassurer. Te rassurer que tout va bien se passer. « Ne mets pas ce chandail-là il est vieux. C’est quoi ces cheveux-là? Là faut vraiment que tu dormes sinon on est foutu pour l’école demain. ON EST foutus pour l’école demain… » Tu cherches à prendre le contrôle sur la rentrée, un signe manifeste que t’es en train de vivre de l’anxiété. Le sens caché est sans doute que tu veux le mieux pour ton enfant, tu veux qu’il ait une belle rentrée. Une rentrée à l’image de TES ATTENTES.

 

Au cas où tu ne le saurais pas, l’anxiété c’est comme la gastro, ça se transmet. Ça se transmet super vite dans une famille. Et c’est là qu’en voulant trop bien faire, tu vas paver la rentrée comme un enfer de bonnes intentions. Et tout ton petit monde aux souliers à l’envers va se mettre à shaker Richter par en dedans.  Tu ne veux pas ça, je le sais!

 

Alors je t’invite à focusser sur ce que tu peux contrôler.

 

Tes émotions. Tes réactions. Tes comportements. Ton attitude. Ta manière d’intervenir avec tes enfants. Ta gestion du temps. L’importance que tu accordes à ce qui se passe sur tes écrans. ET sur ta manière de prendre soin de toi.

 

Ça c’est ce sur quoi tu as du pouvoir.

 

Alors respire et laisse-moi te dire qu’une belle rentrée peut aussi comprendre une routine-pas-sur-la-coche. Ça se peut même que, trop excité, ton enfant s’endorme à 21h la veille. Ça se peut que t’aies oublié de finir d’étiqueter les 482 crayons et bouchons.

 

Ton enfant va être heureux et avoir une belle rentrée avec son sandwich au jambon dans un Ziploc, ses mini-carottes,  sa cacanne de V8, son yogourt pis sa barre tendre. Oh merde t’as oublié qu’il n’avait pas le droit à celles avec pépites de chocolat! Tu lui donneras quand même, YOLO!

 

Il va être heureux lui de partir vêtu de son chandail préféré acheté au Wall-Mart, celui sur lequel y a un infecte bonhomme lette délavé que t’haïs. Ça se peut qu’il ne soit pas coiffé À TON GOÛT et qu’au moment où tu lui demanderas de brosser ses dents, tu vas réaliser que t’as toujours pas appelé le dentiste. Ce n’est pas grave, ton enfant n’aura pas le scorbut parce qu’il y va plus tard en septembre.

 

Il va être heureux, parce que même si la maison est sur le bordel, il va avoir terminé ses vacances chez eux, dans son univers rassurant. Il va être heureux même s’il n’arrive pas à dormir à « l’heure d’école » la veille, parce qu’il va avoir eu la chance de passer du temps avec toi. Il va être heureux de son lunch, parce que lui il préfère le jambon au Tempeh et parce qu’il va se sentir wild d’avoir des pépites de chocolat dans sa barre tendre à la première journée. Il va être heureux de porter le chandail dans lequel il se sent lui-même et dans lequel il est confortable pour affronter le stress NORMAL de la rentrée.

 

Mais il va surtout être heureux parce qu’il saura qu’il est aimé, supporté, validé dans ses émotions. Il sait que votre relation ne dépend pas de sa performance et qu’il a des parents qui sont capables de faire la part entre ses besoins à lui et leurs besoins à eux. Il sera heureux, car il saura qu’il pourra compter sur vous pour l’aider avec les difficultés et les moments poches qu’il rencontrera cette année.

 

Il va aussi être heureux parce que tu le laisseras être lui-même, dans ses différences, sans pression. Il va être heureux de ne pas avoir peur de te salir en te faisant un câlin, en mangeant sa toast au Nutella plein d’huile de palme avant de partir pour l’école. Avec toi, il ne marche pas sur des œufs, pas même ceux provenant de poules élevées en liberté.

 

Et toi tu vas apprécier de ne pas acheter de vêtements en lin, trop chers, qui grattent, qui frippent et qui ne vont même pas dans sécheuse.

 

Toi tu vas te sentir bien d’être qui tu es comme parent. Que t’aime le tempeh et les lunchs emballés dans de la cire d’abeilles ou que tu sois du type Ziploc, sandwich un peu croche avec trop de moutarde, c’est correct. Peu importe, arrête de te juger. L’important c’est que tu te sentes bien avec ton identité de parent.

 

Et lorsque tu l’accompagneras dans la cour grillagée à la première journée et que t’auras oublié de prendre la traditionnelle photo devant l’école pour la publier, tu sortiras ton Iphone et c’est là que tu te rendras compte, que ton enfant a mangé sa barre tendre dans le char et qu’il a déjà une grosse tache de chocolat sur son bonhomme défraîchi.

 

Tu te retrouveras devant une école bondée de parents et d’enfant aux chandails lettes et aux souliers à l’envers qui rient en entendant les mots « pet » et « pénis ».

 

Et quand tu te rassoiras dans l’auto avec ce sentiment du devoir accompli, tu regarderas ton enfant au loin, tout content de retrouver sa gang et tu vas sourire. Tu vas aussi te dire « Fuck la photo à publier », parce que cette image te suffira. Au pire tu te reprendras aux pommes.

 

Et c’est à ce moment précis que tu te rendras compte, que dans la foulée, tu as accompagné ton enfant à la rentrée avec comme outfit le bas de pyjama de Noël qu’il t’a offert l’an passé.

 

 YOLO.

 

Bonne rentrée 2022!

 

 Un texte de Catherine Parent

 

 

 

 

 

 

 

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